jeudi 11 juillet 2013

Souvenirs littéraires, de Léon Daudet




Ces souvenirs peuvent être partagés en deux parties : la première dans laquelle Léon Daudet enfant, puis jeune homme, observe le monde de son père, les salons et les maisons, les figures littéraires et médicales du temps. Il observe, il commente, il juge et fait montre d'une perspicacité remarquable, s'agace devant les médiocres ou s'émeut de la grandeur humaine. La seconde est celle de Daudet l'homme de son temps, les affaires, le drame du fils suicidé par un tiers, le député, l’aboyeur, et puis l'exil, la Belgique, l'Angleterre.

Quel qu'il soit, Daudet nous apparaît toujours plus fin, plus sensible, plus intelligent que ses sujets et cela vient sans doute de son cœur gigantesque et de son appétit grand comme ça. Les portraits qu'il dessine en quelques phrases sont terribles ou merveilleux, à tel point que même l'individu le plus minable y trouve son compte, son exception.
Son père connaissait tout le monde, avait ses entrées partout et surtout était aimé de tous. Il a offert à son fils de quoi développer et nourrir une étonnante sagacité. Hugo, Maupassant, Proust, l'explorateur Stanley, Schwob, Wilde, Courteline, Renard, Debussy et tant d'autres.
Les plus beaux sont peut-être les figures de médecins que Daudet a eu tout le loisir d'étudier pendant sa médecine. Charcot était terrible et génial, on en ferait une série télé que ça s'appellerait Dr House, les frivolités en moins. Et deux portraits magnifiques, les plus beaux du recueil : le Dr Potain, si beau, si bon qu'on le devrait béatifier, et le Dr Vivier, si joyeux, vivant et résolu, qu'il devait être un baume par sa seule proximité. Ces hommes-là ne devraient pas mourir tant ils transcendent l'humain. A la différence de Charcot, ce n'est pas le mal qui les intéresse, c'est le porteur du mal. Ils ne veulent pas comprendre, ils veulent sauver. La compréhension n'est qu'un épiphénomène.

Loin des sornettes qu'il a pu écrire sur Quo vadis ? ce recueil est une mine d'intelligence et d'honnêteté, la marque d'un homme qui n'aura jamais cessé de s'émerveiller ou de s'horripiler de l'homme, sans jamais désespérer. Un bon vivant.

« Il est des jours où j'envie le sort du gardien de phare qui vit, avec les siens, entre sa machine éclairante et tournante et la mer. Peste soit de la République qui force les royalistes, les amis de la tranquillité et de la prospérité française, à la combattre par la plume et par la parole ! Mais quand vous aimez votre pays, vos compatriotes, la raison, et quand vous voyez saboter tout cela par un régime imbécile et bavard, qui ne tire parti de rien, qui oublie tout, qui ignore la préparation, la prévision, la compétence, comment demeureriez-vous inerte sans remords ? », p. 384.

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Souvenirs littéraires, Léon Daudet, Le livre de poche, 1974, 571 pages.

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