dimanche 24 août 2014

La merveille de Féval




Après cette lecture, l'oeuvre fourmillante de Paul Féval prend un air de mont Saint-Michel, telle une chimère littéraire du glorieux îlot, ici loué d'un essai en forme de testament et de lettre d'amour adressée au Christ. On imagine Doré reprenant la forme du mont Saint-Michel en une pyramide humaine de tous les héros de Féval, des plus humbles, les pieds sur le sable, aux plus valeureux, porteurs de la croix, la pointe de l'épée dardant les nuages. Tant de récits d'aventures, de capes et d'épées, autant d'histoires d'honneur et d'amour (les forces qui définissaient la France de jadis, la France d'avant les ténèbres, c'est à dire d'avant les Lumières) pour démentir les relativismes enseignés désormais en notre pauvre pays en fin de déchristianisation. Féval, sans le savoir, était aussi un rempart.

« Là est la misère profonde de notre âge, condamné, selon l'apparence, à de redoutables expiations. Notre âge, amoureux de la terre, a nié le ciel. La nuit s'est faite dans son plein jour ; comme le fauve Esaü, il a vendu son droit d'aînesse pour la satisfaction d'un appétit, et les yeux cloués à la boue de son intérêt périssable, il envie secrètement, mais furieusement, ceux qui tournent en haut leur regard ambitieux de la richesse éternelle. », p. 78.

C'est la cape du mont Saint-Michel qui réchauffe le cœur et protège l'âme de la France, tel un pilier posé sur remous et limon, et pourtant inflexible, invaincu. Le mont Saint-Michel fut l'unique rempart contre le satané Anglois durant la guerre de Cent Ans, la France n'étant bien souvent restée France que parce que le Mont tenait bon.
Et c'est l'épée de saint Michel, l'épée de l'ange, l'épée de Dieu, celle qui tournoie dans la main ferme des héros de Paul Féval, ces héros de toujours, en lutte pour la justice et contre le mal, à commencer par celui qui vit jour au sein même de la Chrétienté et permit la germination du pire.

« Voilà que nous entrons dans l'ère moderne : reconnaissez le vestibule de son palais. Écoutez l'heure qui sonne du grand effort de Satan, redressé tout à coup sous le talon de la Mère de Dieu, hors de l'Église et jusque dans l'Église. C'est le fameux siècle, le siècle des saints suscités pour combattre ces puissants et cruels ennemis qui s'appelèrent Martin Luther, Calvin, Henri Tudor : l'orgueil, le mensonge, la luxure, la haine, le vol, l'ivrognerie ; les péchés capitaux au complet, réunis et enfin devenus réformateurs, qui ouvrent dès lors toutes grandes les portes de la Révolution, en habillant de mots hypocrites l'obscénité de leurs vices et de leurs crimes. », p.227.

Féval nous conte les héroïques faits d'armes qui firent les drames et les miracles de la demeure de saint Michel. Ce sont autant de Lagardère qu'il nous donne à admirer, autant de sacrifices individuels pour la survie d'un royaume de France attaqué de toute part. Les infatigables moines bâtisseurs qui toujours reconstruisent les pans détruits par les calamités naturelles ou les malédictions ennemies, les soldats défenseurs se battant jusqu'à leur dernier souffle, et puis les félons, les faibles, les lâches... Toutes les facettes de l'homme se sont reflétées sur ces murailles extrêmes, pour Dieu ou pour le diable, en un combat qui dura mille ans.

« Le Plantagenêt fit envahir l'abbaye par des estafiers à lui qui mirent tout au pillage et à la profanation. Croix, calices, ornements sacrés disparurent de l'église saccagée ; et comme si le hasard eût voulu parfaire une ressemblance entre cette orgie royale et la grande débauche de 93, les coquins, âmes damnées du Plantagenêt qui accomplirent ces stupides dévastations, portaient déjà un titre républicain : ils s'appelaient des "commissaires". », p. 118.

Aujourd'hui, l'archange a quitté les lieux. L'homme de foi lorsqu'il s'y égare, s'en retourne rapidement, dégoûté. Même le diable y est douteux. Dans la rue principale, lieu, jadis, de tant d'affrontements sanglants, les marchands chinois attendent le vacancier. Des crocodiles somnolent à proximité du Mont, dans la commune de Beauvoir. Évidemment c'est un parc, tout est parc de nos jours. Les dragons autrefois vaincus par Michel sont revenus, mais même eux font peine à voir.

« Et nous avons suivi le vol de cette protection surhumaine à travers l'espace et le temps, à Reims pour le baptême de Clovis, à Saint-Pierre de Rome pour le couronnement de Charlemagne, au désert pour le testament de saint Louis, en Lorraine pour la vocation de Jeanne d'Arc, à Notre-Dame de Paris pour l'action de grâces d'Henri le Grand et de la France. Il semble qu'il n'y ait plus besoin de miracles : non pas que ce doive être le repos, le repos n'est pas sur le terre, mais nous pourrons croire un instant que nos prospérités fleurissent d'elles-mêmes ; le germe en est jeté : nous aurons Louis XIV, Condé, Bossuet, Corneille, et nous aurons l'apparence d'unité de foi, jusqu'aux heures prédites où, le comble de la faveur engendrant l'excès de l'ingratitude, l'idée même de Dieu chancellera, chez nous d'abord, puis dans l'univers, las de tous les trônes et de tous les autels.
   Alors il ne s'agira plus de la France, mais du monde, dans l'assaut de l'enfer escaladant le ciel, et l'Église, restée seule debout, entendra, fût-ce au fond des catacombes, la voix puissante qui crie Qui est comme Dieu ? », p. 263-4.
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Paul Féval, Les merveilles du mont Saint-Michel, Via Romana, 2013, 296 pages.

samedi 2 août 2014

En plein coeur


Peuplée à 90% de musulmans, apparaîtra en Île-de-France une organisation rebelle paramilitaire nommée ALI (Armée de libération islamique). Cette milice se donnera la mission d'appliquer les commandements coraniques sur les 10 % d'autochtones subsistant dans la région, soit les juifs, les chrétiens, les infidèles, les polythéistes et les mécréants, dans l'ordre croissant de la haine islamique. L'épuration sera méthodique et implacable, les Français de souche, pistolets sur la tempe, auront le choix : céder leurs biens à ALI ou mourir. Des hommes disparaîtront, des prêtres notamment.

Les ressources d'ALI pour financer son combat seront multiples, l'organisation islamiste étant mafieuse et terroriste : population rançonnée, raids de pillage dans les départements limitrophes, la Seine-Saint-Denis plaque tournante de tous les trafics, drogues, armes, organes (ceux des hommes disparus), femmes...
Le gouvernement français se réfugiera à Strasbourg et conduira comme il pourra la guerre ouverte contre ALI. Bien que l'ONU, par la résolution 12444 aura reconnu l'appartenance de l'Île-de-France à la France, les États-Unis et ceux qui les suivent s’assiéront sur cette résolution. L'OTAN dépêchera la 2FOR (France Force) pour prêter main-forte aux rebelles. Le rebelle étant forcément du côté du bien, pour preuve : l'état contre lequel il se bat est incontestablement injuste puisqu'il y a rébellion. CQFD.

Les justificatifs de cette intervention resteront toutefois opaques. La possession par la France d'armes de destruction massive n'étant pas usurpée, les États-Unis préféreront tirer une fois de plus la corde sensible. Elle est usée mais elle tient bon.
Les médias américains et ceux qui les copient relayeront des massacres commis par des soldats français sur la personne de musulmans (plus de 100 000 morts déclarera le président américain John Doe) sans cependant produire de preuves tangibles. En représailles, des points stratégiques français seront donc bombardés par l'OTAN, occasionnant (un mal pour un bien) de nombreuses pertes civiles non répercutées par les médias autorisés.
Quelques pays se seront néanmoins clairement indignés et auront refusé tout soutien à l'intervention de l'OTAN : l'Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie, la Russie et le Vatican. Mais ce ne sera que soutien de cœur : le risque d'escalade vers un conflit mondial étant presque inévitable.

Ainsi couvert par l'OTAN, l'épuration culturelle et ethnique pourra s'organiser plus efficacement. La basilique de Saint-Denis sera entièrement détruite jusqu'aux fondations, la Sainte-Chapelle et Notre-Dame itou. La communauté internationale condamnera comme il se doit ces dégâts. Toutes les collections du Louvre seront transférées vers celui d'Abu Dhabi. La communauté internationale dira se féliciter de ce principe de précaution. Tous les lieux de culte seront au bout du compte remaçonnés en mosquée. La communauté internationale ne fera là aucun commentaire.
Des journalistes russes, par le biais d'internet, rapporteront tout de même avoir vu des SAS britanniques appuyer techniquement des ALIENS lors d'une embuscade commise contre un convoi de 200 véhicules civils tentant la descente de Versailles vers Chartres.

Esseulée, affaiblie, la communauté médiatique internationale contre elle, la France perdra donc cette guerre et l'Île-de-France deviendra, dix ans après le début du conflit, une république indépendante. Un état islamique, mafieux et terroriste est ainsi né au cœur même de la France, à la satisfaction des États-Unis qui n'ont désormais plus à se défier d'une Europe convenablement plombée par l'islam, balkanisée comme il faut, et avec laquelle, aujourd'hui, la Russie ne saurait envisager aucun rapprochement. Objectif atteint.


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Ceci n'est pas une fiction. C'est un plagiat de ce qui s'est passé en 1999 au Kosovo, cœur historique, culturel et spirituel de la Serbie, ce pays qui aimait, qui adorait même, la France.
Mais plus après 1999 :

« Il existe à Belgrade, au Kalemegdan, ce parc magnifique qui, entourant la citadelle, domine la ville et la confluence de la Save et du Danube, un monument « à la France » sur lequel figure cette injonction : « aime-la comme elle nous a aimés ! ».

   En 1999, ce monument érigé entre les deux guerres mondiales, sera voilé d'un crêpe noir durant toute la durée de l'agression de l'OTAN et des bombardements auxquels participera l'aviation française. », p. 29.

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Jacques Hogard, l'Europe est morte à Pristina, Hugo Document, 2014, 127 pages.

vendredi 1 août 2014

Cool


On aurait tort de moquer ce que Leonard paraît placer au pinacle des caractères humains : son fameux be cool. Qu'est-ce qu'être cool sinon être tranquille et attentif aux autres, et être ferme quand il le faut ? Chaque humain porte en lui toute la misère et tout le bonheur du monde. Ce qu'il faut donc, témoigne Leonard, c'est établir une juste et bonne distance entre chacun, pas trop loin pour ne pas ignorer, pas trop près pour ne pas écraser. Bref, rester cool.
Elmore Leonard aime ses personnages, qu'ils soient dégueulasses, tendres, faibles ou courageux, pleutres ou dramatiquement bêtes, il les aime d'un identique amour pour ce qui fait l'homme : son génie, ses faiblesses, son énergie. Par des dialogues toujours justes et des attitudes communes, les regards et les gestes, de ces moments où les êtres s'étudient et cherchent entre eux quelques plate-formes, quelques espoirs de pouvoir s'accorder, les faits les plus sordides ainsi contés passent sans complaisance. L'intrigue, une fois encore, n'est pas ce que nous retiendrons. C'est une constante chez Leonard d'être capable, lorsque l'on repense à un de ses livres, d'avoir inoculé, non pas une histoire, mais la vie des personnages qui l'ont vécue. N'est-il pas évident que ce n'est pas l'histoire d'une fiction qui a quelque chose à nous apprendre, mais que ce sont bien les personnages qui doivent avoir de quoi nous retenir ?
Le sujet d'un roman, souvent, est l'amour, mais son objet, toujours, est de livrer la vie.

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Elmore Leonard, Mr Paradise, Rivages, 2011, 321 pages.

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