samedi 30 mars 2013

Flashback, de Dan Simmons


« Je ne crois pas qu'il y ait aujourd'hui beaucoup d'Américains qui pensent aux Allemands ou aux Français, ou à tous ces pauvres connards. Ils ont invité chez eux des dizaines de millions de musulmans. Ils ont voté les lois et les exceptions à leurs lois inspirés de la charia qui les ont conduits à abandonner leur culture au Califat Global. Ils peuvent aller se faire foutre. », p. 268.

En 2035 Israël n'existe plus, vitrifiée quelques années plus tôt par l'Iran et la Syrie. Sans réplique. La Chine a implosée en guerre civile. Les pays d'Amérique du Sud cherchent à conquérir les terres du nord. L'Europe est soumise à la charia, ainsi que le Canada. Des Etat-Unis, il ne reste qu'un noyau dur, la République du Texas. Le Japon pour survivre s'est imposé une discipline sans commune mesure.

La critique s'est acharnée comme jamais sur ce roman. Qui aime bien, châtie bien ? Dan Simmons, dans les années 80, avait regonflé la science fiction et le fantastique anglo-saxons par des oeuvres ambitieuses et diaboliquement efficaces, tels que les Hypérion et l'Echiquier du mal.

Les auteurs de science fiction grand public et leur lectorat sont, dans une grande mesure, très marqués à gauche (en France à l'extrême-gauche, d'où leur illisibilité. Dantec était l'anomalie), cultivant des sujets au long court marqués, soit par une préoccupation écologiste (Les Dune d'Herbert, les Helliconia d'Aldiss), soit par un plaisir techniciste (les Rama de Clarke, et, plus récemment, la Culture de Banks, les utopies d'Egan, les centrages galactiques de Benford), mais avec toujours au bout de ces livres-univers la question de Dieu (tandis que l'athéisme des productions sf françaises suffirait à expliquer leur nullité). 
Dan Simmons, par la capacité d'absorber et de synthétiser tout ce qui s'était fait jusque là, devint en quelques années l'enfant chéri des lettres sf, littéralement la voix du futur. Hypérion n'était absolument pas original, absolument pas innovant, il était juste ce que tout lecteur de sf savait sans le savoir, pour l'avoir lu tant et tant de fois. Sauf que Simmons vit dans et avec son temps. Il l'observe. Et un récit comme Hypérion pouvait se dérouler quelques 800 ans dans le futur, trop d'éléments nous renvoyaient à notre inquiétant présent pour que la sauce prît complètement. Simmons n'est pas un visionnaire au sens de Clarke ou Herbert, l'amplitude de sa prospective ne dépasse pas une ou deux générations. Là où Herbert recourait à l'anachronisme d'un tableau de Van Gogh accroché dans 10000 ans au mur du bureau de la mère Bene Gesserit, Simmons, lui, dans toute son oeuvre, n'aura jamais quitté le XXe siècle. Il le démontre avec flashback, le bien nommé. Le futur ne peut pas exister, nous ne connaîtrons jamais que le présent, le présent que Simmons observe donc et dont il tire les fils. Il déploie la pelote jusqu'à obtenir le canevas du monde à venir.

Aujourd'hui, il est l'auteur honni qui promet du sang et des larmes, et un espoir qui ne trouvera sa substance que dans les fondements judéo-chrétiens de notre civilisation. Par le combat. La science fiction ne nous avait pas habitué à nous parler si définitivement du présent.

Simmons raciste ? Simmons fasciste ? comme l'assènent bon nombre de critiques amazoniennes. Chers contempteurs, prenez un peu de flashback et allez donc voir tout ce que vous avez déjà perdu, tout ce à quoi vous avez renoncé sans même vous en rendre compte. 

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Flashback, Dan Simmons, Robert Laffont, 2012, 516 pages. 

dimanche 17 mars 2013

Eduquer autrement, de Pierre-Henri d'Argenson


Un ouvrage d'une clarté, d'une concision et d'une intelligence exceptionnelles. En dix chapitres courts, l'auteur explique les causes et les conséquences d'une idéologie soixante-huitarde responsable aujourd'hui de tant de parents déboussolés et d'enfants sans repère, des hommes qui n'en sont plus, des femmes qui commencent à prendre conscience du retour de manivelle d'un féminisme, et, malgré cela, d'une féminisation de la société à tout crin.
Véritable boîte à outils en dix leçons, faite d'exemples, de bon conseils, d'expérience, pour faire de nos enfants de futurs vrais hommes et femmes tels que les siècles passés en ont connus. 
Pourquoi n'avons-nous plus de grands hommes ? Les éléments de réponse sont ici.

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Eduquer autrement, Pierre-Henri d'Argenson, Editions de l'Oeuvre, 2012, 187 pages.

samedi 16 mars 2013

L'interrogatoire, de Vladimir Volkoff

De quel côté sommes-nous ? Quel homme pourrait se dire qu'il agit pour le mal ? Comment pourrait-il naturellement faire quelque chose qui appartienne au mal ? de quel droit ? C'est le vertige du libre arbitre qui éreinte Ivan le Terrible dans les Hommes du Tsar du même Volkoff.


«...le réel et la représentation que nous nous en faisions coïncidaient parfaitement : la couleur du nazisme était vraiment le noir le plus profond. Imaginez que je me sois trouvé en présence de nazis charitables, humanitaires, capables... je ne sais pas, moi, de donner une tablette de chocolat à une petite fille affamée : nous aurions été dans de beaux draps ! Heureusement il n'en fut rien : les monstres étaient bien des monstres - et qu'ils pleurassent en faisant de la musique de chambre en famille n'y changeait rien : les païens aussi aiment leurs proches, note l'Ecriture. Un point fixe, donc : le Mal était bien de leur côté. Mais il faut deux points pour tracer une droite, et le Bien était-il immuablement installé dans notre camp ? », p. 26.

Qu'est-ce qui anime le narrateur et juge de cette histoire ? Est-ce la volonté de rendre justice, de confondre le criminel ? Ou bien est-ce l'orgueil d'avoir trouvé la vérité, de pouvoir y accoler son nom ? Plus profondément, Volkoff pose la question : au nom de quelle justice un homme peut-il être juge d'un autre homme ? Si c'est la justice des hommes, elle est par nature faillible et le suspect ici, bien qu'il fabriquât quelques mensonges, semble innocent des crimes qu'on l'accuse. Mais peut-être pas. Que vaut cette intuition qui pousse le juge à s'acharner et à ne pas lâcher une proie qu'il sent malgré tout coupable de quelque chose ? Est-ce le sentiment du bien (le personnel ? le commun ?) ou l'influence du mal qui l'entraîne ? Et si c'est la justice de Dieu, quel homme autre que le Christ pourrait s'en prévaloir ?

Comment concilier le message d'amour chrétien et la condamnation au gibet d'un homme, de son propre frère :

« Je n'avais jamais eu de frère et, pour un instant, j'ai vu un frère en cet homme plus jeune que moi, mais aussi plus éprouvé et plus sali. On ne ressent pas de la sympathie pour un frère, on reconnaît qu'il est... comment dire ? Inévitable.
Alors ? Mon frère ou mon devoir ? Mais il faut être au moins deux pour la fraternité. Mon frère ne m'avouait pas pour tel. Donc, aucune tentation ne m'effleura. », p. 111.

Le signe d'amour n'est pas réciproque et le juge peut se détacher de son suspect, le dénaturer. La vérité pourtant est sise dans le crâne d'un homme qu'il veut condamner pour ne pas perdre la face. L'interrogatoire est une machine et ce qu'elle produit n'est pas le portrait d'un suspect, mais le témoignage de la faiblesse humaine :

« A la sortie de la machine, on trouve une mixture de jus d'interrogateur et de jus d'interrogé : cela s'appelle les aveux. Le public croit que ce sont les aveux du seul interrogé. Erreur. Le cachet s'est retiré du sceau, mais il n'y aurait pas eu d'empreinte s'il n'y avait pas eu de cachet. Et, si l'on pouvait mentalement peser l'interrogateur et l'interrogé à la fin de l'opération, on constaterait qu'ils ont transpiré autant de vérité l'un que l'autre. », p. 197.


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L'interrogatoire, Vladimir Volkoff, Editions de Fallois, 1988, 200 pages.

vendredi 15 mars 2013

SAS - Le chemin de Damas I & II, de Gérard de Villiers



Un épisode en deux parties avec un SAS ayant pour mission de faire tomber Bachar el Assad, dans le but de le remplacer par une figure alaouite plus modérée, et surtout propre, vis à vis de l'opinion internationale. L'objectif étant également d'intervenir avant que le régime el Assad ne tombe et que le pouvoir ne soit repris par les islamistes.
L'écueil principal d'une oeuvre de fiction cherchant à coller au plus près de la réalité, est qu'elle manque de crédibilité dès lors qu'elle manipule la vie de personnages réels. Dès l'intrigue posée et la mission expliquée à Malko Linge, on sait que ce sera un échec. Reste à découvrir les raisons imaginées par l'auteur pour expliquer l'échec du coup d'état, et là, consternation : le maillon faible n'est autre que le héros lui-même. Ce qui nous fait penser que c'est un peu toujours le cas.
Qu'est-ce qui pousse la CIA à faire systématiquement et aveuglément confiance à Malko Linge ? L'agence américaine n'a donc toujours pas remarqué que la première chose que ce type met en place, quand il arrive quelque part, c'est son pénis ? Cet homme est le DSK des services secrets. Avant toute chose, il lui faut un exutoire sexuel, le job on verra ensuite. Mais comme son altesse n'est pas du genre à payer pour consommer, fi des prostituées, il lui faut des régulières énamourées.
Cet agent secret n'est pas double, ou triple, c'est un agent puissance x car ses ennemis, dès lors qu'il est détecté, n'ont qu'une chose à faire : le suivre, repérer sa poule, la kidnapper, et puis forcer son Altesse Sérénissime à cracher le morceau en échange de la donzelle. Ce qu'il fera, car le benêt a une éthique, n'est-ce pas ? Mais à sa mesure toutefois : pas une seconde il ne pensera aux dizaines, voire centaines, de vie humaines qui seront perdues en contrepartie de sa traîtrise, qui n'est que le fruit pourri de son incontrôlable stupre.

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Le chemin de Damas I & II, Gérard de Villiers, 2012, 309 & 310 pages.

dimanche 10 mars 2013

SAS - Opération Lucifer, de Gérard de Villiers


L'une des caractéristiques notables de la série SAS est le placement de marque. Dans l'univers de Malko Linge, que l'on se trouve dans un hôtel de Bamako, à la table d'un boui-boui de Belgrade, dans le salon d'un complotiste vénézuélien ou au guichet d'une épicerie de la Havane, une seule marque de champagne français sera toujours servie, mention complète de l'étiquette. Pour le whisky, même combat, la concurrence, en matière d'alcool de qualité, n'existe pas ici.
Dans cet épisode, la pratique pousse le vice à vanter la qualité du produit et surtout, ce qui nuit un peu à la crédibilité de l'histoire, à placer une marque là où on sait ne pas risquer de la trouver. Autant, le champagne ou le whisky récurrent de SAS, même dans les endroits les plus improbables, ça ne choque pas trop, ce sont des marques internationalement connues ;  mais imposer à tous les fumeurs de cette histoire, qu'ils vivent en Ukraine ou aux Etats-Unis, qu'ils soient patrons de discothèque à Little Odessa ou trafiquants d'armes, anciens du KGB à Kiev, les obliger donc à ne fumer que de pauvres Gauloises blondes, là, c'est un peu plus dur à avaler.
On sourit. C'est un détail.
L'histoire commence comme un X-files et se poursuit comme 24-heures chrono : Malko Linge doit déjouer un vaste attentat au gaz sarin. Le compte à rebours est lancé, les pistes sont maigres et les suspects sont éliminés avant que notre héros ait le temps de les faire parler. Le récit file très vite et le suspense est habilement maintenu, avec quelques moments d'ultra-violence qui feront trembler notre SAS, pourtant pas un tendre.
Nous sommes en 1996, l'URSS n'est plus depuis seulement 5 ans, le terme oligarque ne s'est pas encore démocratisé mais nous assistons à sa turbulente gestation.

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Opération Lucifer, Gérard de Villiers, 1996, 253 pages.

Les Hommes du Tsar, de Vladimir Volkoff



Dans ce premier volet du triptyque russe consacré au temps des Troubles, nous vivons la fin du règne d'Ivan le Terrible et l'ascension de Boris Godounov. Le portrait d'Ivan qu'en a fait Vasnetsov rend bien, par ce regard en coin, injecté de sang, les paupières tirées vers le bas, toute l'ambivalence schizophrénique de cet homme à la fois très instruit, fin lettré, très pieux, imposant à sa cour six messes par jour, et en même temps capable de la plus grande cruauté sur un coup de tête. Ivan cherche un jour auprès d'un ermite un soutien, un conseil, un petit quelque chose pour lui qui est tout, qui a tout et peut tout, hormis sa propre absolution :

« - Et tu n'auras pas un mot de recommandation pour moi ?
Le moine sembla en chercher un au fond de son coeur, un qui s'appliquât à l'homme et à la situation. Enfin il laissa tomber :
- Prie. », p. 255.

Le Tsar souffre en son âme et en son corps, lui qui a tout pouvoir n'a pas celui de soulager ses tourments. Que signifie donc le pouvoir qu'il possède et dont il a si souvent abusé ? Que vaut-il ? Pourquoi rien n'a jamais retenu sa main d'abaisser les couperets ? Si c'était bien la volonté de Dieu qu'il fît décapiter, noyer, pendre ou empaler ses fidèles serviteurs, pourquoi est-il si malheureux ? Tout n'est donc qu'une farce ? Le tsar est nu ?

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Les Hommes du Tsar, Vladimir Volkoff, Editions de Fallois, 1989, 398 pages.

SAS - Le dossier K, de Gérard de Villiers


Un SAS au cœur des Balkans, onze ans après la fin de la guerre de Bosnie-Herzégovine, pour tenter d'intercepter Radovan Karadzic. Le but étant de le faire comparaître au TPIY.
Le récit est bien conduit, à l'exception d'un rebondissement surprenant d'incohérence vers la page 222, avec un personnage en passe d'être arrêté à la page précédente, qui réapparaît libre comme l'air juste après, sans qu'on sache comment.
Néanmoins, les démêlés géopolitiques sont intéressants, et le tout décrit avec assez de finesse pour ne pas se réduire à une grosse peinture partiale montrant les gentils bosniaques face à de méchants serbes...

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Le dossier K., Gérard de Villiers, 2006, 304 pages. 

SAS - Que la bête meure, de Gérard de Villiers


« Muerte à la Bicha ! » Ce que les services secrets américains espéraient pour Castro dans le SAS - Mission Cuba, la solution biologique, à savoir une mort naturelle, s'est produite cette semaine pour le despote de Caracas. Mais sans l'intervention de Malko Linge, c'est en 2006 que Chavez nous aurait quitté, transformé en une boule de feu de 4 000°.
Certes, voir disparaître Chavez arrangerait bien la CIA, car il semblerait que le tyran ambitionne ni plus ni moins que de fusionner avec Cuba et mettre en place pour son pays un régime à l'identique. Déjà, les services secrets cubains accompagnent leurs homologues vénézuéliens dans un plan de formation bien plié. Du coup la bête doit mourir, et la CIA demande à Malko Linge de veiller discrètement à ce que le projet d'attentat, en préparation par les opposants de Chavez, se passe au mieux. Problème n°1 : ils n'ont pas l'air très dégourdis. Problème n°2 : ils le sont quand même assez pour piéger SAS, et du même coup la CIA, avec des preuves compromettantes pour les américains. Si la participation des Etats-Unis à un coup d'état impliquant la mort de Chavez est rendue publique, on peut imaginer la crise qui s'en suivra. Changement de programme, Malko doit maintenant empêcher l'attentat !

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Que la bête meure, Gérard de Villiers, 2006, 300 pages

samedi 9 mars 2013

SAS - Polonium 210, de Gérard de Villiers


Fiction et faits réels s'entremêlent si bien dans cet épisode radioactif qu'il n'y aurait peut-être que Vladimir Poutine, ouvrant le bal, pour dégager le vrai du faux, l'authentique de l'invention. Comment a été exécutée la journaliste Politkovskaïa et quel a été le sort de son assassin ? Comment a non moins tristement fini le mystérieux Litvinenko et pourquoi est-il mort ? Et puis, celui qui a conçu toute cette sombre affaire, fascinante créature offrant à la série un personnage plutôt bien développé, sorte d'esprit frappeur d'un régime stalinien qui perdure, à la fois d'apparence insignifiante, l'homme gris parmi les hommes gris, mais tout puissant car incorruptible, dans un monde de corruption, sorte de Boris Godounov dont la seule préoccupation serait de combattre les ennemis de la mère Russie, à n'importe quel prix et qui que soit le tsar, du moment qu'il y a un tsar.

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Polonium 210, Gérard de Villiers, 2007, 302 pages.

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