samedi 2 février 2013

Le Prisonnier chanceux, de Gobineau


Roman d'aventure, un peu picaresque, à la fois léger et profond. Un jeune héros de petite noblesse, doté d'un grand cœur et d'une vaillance qui frise bien souvent l'inconscience. Un ange gardien veille en permanence sur le jeune Jean de la Tour-Miracle, ce prisonnier chanceux qui réussira, volontairement ou par hasard, tout ce qu'il entreprend.

C'est d'une autre époque. La joie rythme tout le récit, on y pend légèrement un homme, sans jugement ni préambule, en un bon tour de main. Le pendu approuverait presque la manœuvre s'il le pouvait encore. On en transperce un autre sans s'émouvoir, puis on poursuit son bon chemin. Les hommes sont insouciants et plein de gaieté, à la mort aussi bien qu'à l'amour ; et il n'y a que les curés et les femmes, comme si le réel n'était visible que d'eux seuls, pour mettre du sérieux dans la trame. A ces hommes, on pardonnera toujours, du moment qu'ils sont vaillants, du moment qu'ils ne sont jamais faibles. 

Le monde tourne comme une petite toupie et les chemins sont si rares que Jean, dans ses tours et ses détours, sur les petits chemins, retombe toujours sur les mêmes personnes. Personne n'est plus digne de confiance qu'un ennemi valeureux. Jean organise une fête en l'honneur de sa belle et de ses amis-gardiens. Son valet, qui lui planterait un poignard dans le dos à la première occasion, organise tout dans la joie. Du moment que son maître le bat de temps à autre pour le punir de ses roublardises, alors il le respectera et même sera prêt à se battre jusqu'à la mort pour lui. Etrange conception qui pourtant sonne juste, car l'homme est ainsi fait qu'il peut être aussi bien fou un jour que juste le lendemain, et inconstant selon sa logique. Mais qu'importe ! puisqu'il a eu l'heur de naître homme et qu'ainsi le mal n'existe pas pour lui.

« Vis-à-vis d'une femme à qui l'on voudrait plaire, la meilleure de toutes les situations est certainement celle d'un prisonnier. [...] Aussi, les prisonniers qui se sont trouvés en présence des dames ont-ils eu généralement occasion de bénir leurs fers, souvent de les voir tomber, quelquefois même de les regretter. », p.74.

La contrition et le scrupule ne sont pas de son monde dans ce monde, laissons cela pour le prêtre et l'épouse, ses créatures de marge, ces êtres lunaires. La femme pleure le malheur de l'homme, l'homme ne rêve que d'en tirer un bonheur.
Tout sourit pour toujours au jeune Jean de la Tour-Miracle.

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Arthur de Gobineau, Le Prisonnier chanceux, L'Arsenal, 1993, 332 pages.

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