S'il est un livre à ne pas manquer cette
année, c'est bien celui de Richard Pipes. Rares sont les mises au point aussi lumineuses
et concises pour un sujet aussi vaste.
L'historien américain, spécialiste de la
Russie, livre une synthèse de ses deux maîtres ouvrages : La révolution Russe et La Russie sous le régime bolchevique, dont les 1350 pages de preuves, d'explications
et de sources irréfutables sont ici concentrées en 118 pages accessibles
à tout public.
La désinformation a la vie dure et la démarche de Pipes est frappée au coin du bon sens :
mieux que le milieu universitaire, l'opinion du grand public est à même
de déchirer une bonne fois pour toutes le voile de mensonges patiemment ourdi par les révisionnistes.
Pour ce faire, Pipes a rédigé ce petit livre fulgurant, boulet d'un canon
forgé par une vie de recherche, étendard d'un solide porte drapeau, comme
on voudra.
Trois parties qui livrent les réponses
à trois questions :
- pourquoi le tsar est tombé ?
- pourquoi les bolcheviques ont pris
le pouvoir ?
- pourquoi Staline a succédé à Lénine
?
A ces trois questions le courant révisionniste martèle ceci :
- la chute de l'Empire était inévitable
parce qu'il était pourri, il n'aurait pas pu se maintenir ;
- la victoire des bolcheviques était
inéluctable parce qu'ils étaient portés par la volonté de tout un peuple
;
- la victoire de Staline est un accident.
Trois réponses que réfute Richard Pipes. Il démontre au contraire que :
- le tsar a surtout manqué de courage et d'un entourage volontaire ;
- la Révolution russe n'a de révolution
que le nom, il s'agit en fait d'un vulgaire coup d'état chanceux mené par
une poignée d'hommes, dans l'ignorance absolue du peuple ;
- l'emprise de Staline était inéluctable car le système mis en place n'allait à personne mieux qu'à lui.
La victoire de Lénine n'a
tenu à presque rien et l'attentat manqué de Fanny Kaplan, s'il avait réussi,
aurait tué dans l'oeuf le communisme. Les balles n'ont touché aucune partie vitale. Fanny Kaplan était myope et on se prend
à imaginer un début d'uchronie où, en préparation de son attentat, Kaplan
se ferait prescrire une bonne paire de lunettes.
Lénine est tué. Le communisme n'existera
pas. Staline tel qu'on l'a connu non plus. Les millions de paysans d'Ukraine auront
vécu. Le nazisme, qui a remporté les élections principalement sur la crainte
du communisme, n'aura pas existé et Hitler aura vivoté de ses tableaux.
Pas de 2e guerre mondiale. Pas de Shoah. 60 millions d'hommes épargnés. Pas de Chine
maoiste, pas de Pol Pot, de Castro, etc.
Mais voilà, Fanny Kaplan était myope.
Et puis le premier pourquoi n'est pas
moins troublant.
Le tsar aurait accepté les mesures sociales réclamées par son peuple. Il aurait de même répondu favorablement
aux demandes répétées d'alliance par l'Allemagne et l'Autriche. Les Allemands
gagnaient la 1er Guerre Mondiale. Quid de l'avenir de la France ? Ich
bin ein Pariser?... Lénine ne trouve aucun soutien, il est éliminé
par les Blancs. Le communisme ne sera pas, etc.
S'il est un des moments décisifs de l'Histoire
moderne, c'est bien cet instant, dans cette usine, sous l'oeil trouble de Fanny
Kaplan, la balle qui rate son but. Si elle l'avait atteint, le monde serait
radicalement différent, aucun de nous ne serait ce qu'il est aujourd'hui
; et jusque dans les plus infimes ramifications, ce billet n'existerait
pas.
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Les trois pourquoi de la Révolution russe, Richard Pipes, Editions de Fallois, 2013, 118 pages.
J'ai découvert votre blog en regardant mes statistiques et vous y ai vu.
RépondreSupprimerJ'aime bien, vous recenser les livres qu'il faut lire.
A propos de la révolution russe, on peut la comparer un peu avec celle qui a sévit en France. Louis XVI comme Nicolas II manquaient de caractère et n'étaient pas faits pour régner.De plus ils étaient mal entourés, malgré leur bonne volonté de faire avancer leur pays et les institutions.
Oups: mon clavier est allé trop vite. Il faut lire : " qui a sévi" et non "qui a sévit".
SupprimerJe ne vous blâme pas. L'espace dévolu à la rédaction des commentaires est si mesquin que j'ai moi-même toujours un mal de chien à me relire et à débusquer les foutues fôtes (et toujours une appréhension avant de cliquouiller sur "publier").
SupprimerEt aujourd'hui l'incapacité de notre pays à enclencher les vraies réformes le conduira pareillement au panier.
RépondreSupprimerCeci venait en réponse au premier commentaire de Jeff C.
SupprimerÇa fout le vertige, non ? Cela me fait penser à ce roman d'Asimov où, dans le futur, des historiens et des scientifiques déterminent le plus événement à changer pour empêcher une immense catastrophe. Puis, on envoie dans le passé un "opérationnel", dont la mission consiste en des actions telles que crever un pneu à telle voiture, fermer à clé une porte qui ne l'était pas, enlever du trottoir la merde de chien sur laquelle une personne va glisser, etc.
RépondreSupprimerMais je ne parviens pas à en retrouver le titre : cépabo de vieillir…
La fin de l'éternité.
RépondreSupprimerVous me donnez envie de le lire. J'ai toujours fait un léger blocage sur Asimov dont je trouve la réputation surfaite. Je me trompe peut-être.
Oh, c'est très loin d'être un chef-d'œuvre, et il ne me viendrait pas à l'idée de le relire ! Je pense que vous pouvez vous en abstenir…
SupprimerDans ce cas, tant pis pour Asimov.
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