samedi 20 avril 2013

Trames, de Iain M. Banks


La Culture, société galactique hédoniste, tolérante et anarchiste, rappelle la quatrième de couverture. Cette société creuse donc, agite la Voie Lactée depuis L'Usage des Armes, premier volet de la saga,  dans le but de la faire mousser comme un milk-shake sensé nous faire saliver d'envie, jusqu'à l’écœurement. 
La Culture fait-elle envie réellement ? Dans aucun des cinq volumes précédents (à part peut-être Inversion, sans doute le plus fin d'entre-eux), Banks n'a omis de rappeler que dans la Culture, on ne paye rien, on ne doit rien, on est malade de rien sauf de l'ennui, on n'a pas de sexe car on peut choisir celui que l'on veut. Dans la Culture, on ne souffre pas. Dans la Culture un homme vit en moyenne quatre ou cinq cents ans (pourquoi pas deux mille ? Banks ne le dit pas, peut-être a-t-il pris modèle sur cette enquête de compagnie d'assurance, ayant calculé qu'en cas d'immortalité (toutes les maladies sont éradiquées et nos cellules se multiplient à l'infini), l'espérance de vie de l'homme serait d'environ 400 ans, car c'est la probabilité maximum de vie sans accident mortel).

La Culture, c'est un peu ceci : une société collectiviste sans propriété. On n'y travaille pas. On n'y gagne rien. Tout y est acquis. Rien n'appartient à personne. Le citoyen de la Culture ne croit en rien, n'a rien à espérer et aucun «autre» à aimer. Tout est lui-même.
Il est d'ailleurs significatif que l'habitat privilégié de la Culture soit l'orbitale, une «planète» artificielle en forme de bague, (joliment illustrée par Manchu pour Une forme de Guerre, et on regrettera d'ailleurs que l'aérien Manchu ne soit plus aux commandes des couvertures du LdP), les culturiens sont là-dedans comme des hamsters dans leur roues. Ils tournent en rond, sans fin et sans but.

Chaque nouvel opus de la Culture est présenté comme le meilleur de la série. Ce n'est pas le cas ici, Trames (traduction anagrammatique et appauvrissante du titre original Matter) est loin de présenter autant d'intérêt que les précédents, d'abord de par sa longueur (l'action commence à la page 578 !), et ensuite parce que l'auteur n'a jamais autant tourné autour du pot jusqu'à, dans un article faussement démystificateur qui vient compléter bien inutilement le livre, réaffirmer son athéisme, son total désintérêt de toute dimension divine. 

Peut-être que Banks n'a jamais perçu que toute cette oeuvre ne parlait que de ça. Il faut bien dire que la Culture, en la « personne » des mentaux, ces IA à la conscience et à l'intelligence qui dépassent toute conception humaine, sont d'efficaces écrans de fumée. L'idée générale de l'évolution des espèces, selon l'univers de Banks, est que les dieux finissent par apparaître, que les dieux ne sont pas origine mais destination. Les dieux sont parmi nous et les mentaux de la Culture sont comme des dieux.
Pourtant, n'est ce pas dans Excession (1996) qu'un objet, une chose inconnue et incompréhensible, même des IA, apparaît soudain dans l'espace de la Culture ? Quelque chose qu'ils ne peuvent appréhender et par laquelle, immédiatement, ils ont la conviction qu'ils n'auront jamais la capacité de la définir, de la saisir. Quelque chose qui les dépassent. 
  

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Trames, Iain M. Banks, Le livre de poche, 2012, 840 pages.

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