Dans ce premier volet du triptyque russe consacré au temps des Troubles, nous vivons la fin du règne d'Ivan le Terrible et l'ascension de Boris Godounov. Le portrait d'Ivan qu'en a fait Vasnetsov rend bien, par ce regard en coin, injecté de sang, les paupières tirées vers le bas, toute l'ambivalence schizophrénique de cet homme à la fois très instruit, fin lettré, très pieux, imposant à sa cour six messes par jour, et en même temps capable de la plus grande cruauté sur un coup de tête. Ivan cherche un jour auprès d'un ermite un soutien, un conseil, un petit quelque chose pour lui qui est tout, qui a tout et peut tout, hormis sa propre absolution :
« - Et tu n'auras pas un mot de recommandation pour moi ?
Le moine sembla en chercher un au fond de son coeur, un qui s'appliquât à l'homme et à la situation. Enfin il laissa tomber :
- Prie. », p. 255.
Le Tsar souffre en son âme et en son corps, lui qui a tout pouvoir n'a pas celui de soulager ses tourments. Que signifie donc le pouvoir qu'il possède et dont il a si souvent abusé ? Que vaut-il ? Pourquoi rien n'a jamais retenu sa main d'abaisser les couperets ? Si c'était bien la volonté de Dieu qu'il fît décapiter, noyer, pendre ou empaler ses fidèles serviteurs, pourquoi est-il si malheureux ? Tout n'est donc qu'une farce ? Le tsar est nu ?
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Les Hommes du Tsar, Vladimir Volkoff, Editions de Fallois, 1989, 398 pages.
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