dimanche 10 février 2013

Une femme à Berlin, Anonyme




« Comment se fait-il que la forme de la croix nous remue à ce point ? Même si nous n'avons plus le droit de nous dire chrétiens ? », p. 240.

D'abord les bombes. Pour étourdir, terrifier, réduire les courages et les forces. Puis vient l'accalmie pendant laquelle on se recompte et on s'échange les pires rumeurs. Les femmes parlent des viols, les vieillards des combats et des victoires à  venir, un espoir insensé.
Puis la ligne de front s'arrête devant l'immeuble. Pour quelques heures avant de reculer encore, avant de disparaître au coin. La patrie s'éloigne de son peuple, les derniers hommes valides, armés, ont maintenant disparu.
Les premiers soldats ennemis apparaissent. Ce ne sont pas les barbares des rumeurs. Ils ont forme humaine. Ils sourient, ils sont aimables, il y a de l'ordre. Peut-être que tout ira bien.
Plus aucune bombe, c'est le calme. L'ennemi n'a plus d'ennemi et se détend. Les hommes cherchent à se distraire. Les caves sont pleines de schnaps.

Les rumeurs étaient vraies.

Celles qui ne trouvent à se cacher y passent. Chaque jour, chaque nuit. Alors la seule solution pour celle qui n'a pu se cacher est de se trouver un chef de meute, un gradé qui n'aime pas partager. Supporter, puisqu'il faut de toute façon subir. Mais choisir ce que l'on va subir.

Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, se convainc la narratrice. L'assertion n'est vraie que pour le fort. Est-elle plus forte, celle qui «hérite» de plusieurs dizaines de soudards d'affilé ? Est-il plus fort le mari qui aura laissé violenter son épouse, parce que résister, c'est être tué, sans que cette conséquence n'ait la moindre influence sur le déroulement de la cause ?

«Pour la première fois depuis longtemps, j'ai entendu des hommes allemands élever la voix et les ai vus se démener énergiquement. Ils avaient l'air de vrais hommes... ou, tout au moins, de ce que l'on désignait jadis par ce nom. », p. 236.

C'était à Berlin, c'était à Constantinople ou à Sarajevo. Demain ce sera ici.

« Nous qui n'appartenons à aucune Eglise, nous souffrons dans la solitude de nos ténèbres. L'avenir s'étale devant nous comme une chape de plomb. Je résiste, tente de maintenir la petite flamme en moi. Pourquoi ? A quoi bon ? Quel est le but de mon existence ? Je me sens désespérément seule, avec mon fardeau. », p. 338.


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Une femme à Berlin : Journal 20 avril - 22 juin 1945, Folio, 2008, 394 pages.

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